dimanche 9 mars 2014

Le livre du moment : Le Métronome



Pour mon anniversaire quelqu'un m'a offert le premier livre de Lorànt Deutsch, Métronome
Au delà des erreurs de fonds, je m'intéresserai dans cet article aux erreurs de méthode que l'on peut relever dès l'introduction, et que chaque élève se doit aussi d'éviter lors d'une composition ou d'une étude de documents. De plus, vous pourrez grâce à mes conseils avisés lire de façon éclairé cet ouvrage.


Le livre de Lorànt Deutsch publié en 2009 a été un véritable carton d'édition. Vendu à 2 millions d'exemplaires, tête de gondoles dans toutes les librairies au rayon histoire, l'ouvrage ne cesse d'interroger les historiens. Le Comité de Vigilance de l'Histoire (CVUH) a en effet épinglé de nombreuses erreurs comme le montre l'article de leur blog  http://cvuh.blogspot.fr/2012/06/metronome-un-succes-historique.htmlve

D'abord par son parti pris justement. L'acteur se propose de retracer l'histoire de Paris à travers les arrêts de métros parisien. Nous voici en présence d'un premier écueil. En effet, pour chaque siècle, il se propose de choisir une station de métro. Déjà, à ce niveau, on peut s'attendre à une présentation du métro. Une petite carte n'aurait pas été de trop. Et bien non. Lorànt n'explique pas pourquoi il choisi une station plutôt qu'une autre. De plus il part du principe que tout le monde connait le métro parisien. 

Lorànt, pourquoi ? Pourquoi tu présentes uniquement 20 stations ?


Après avoir expliqué sa passion pour l'histoire (pourquoi pas), il explique ce qu'est l'histoire pour lui :
Parallèlement, j'ai commencé à faire du théâtre, puis du cinéma. Je me suis rendu compte que, là aussi je disposais d'une machine à explorer le temps ... Tour à tour, je me suis glissé dans la peau de La Fontaine, de Fouquet, Mozart, Sartre, et d'une certaine manière l'Histoire est devenue mon métier, ou tout au moins je peux faire de l'Histoire avec mon métier.
Hum. Donc on est d'accord, Monsieur Deutsch dit clairement qu'il "fait de l'Histoire". Or une personne qui "fait l'Histoire" est un historien. Il est donc astreint à utilisé une méthode scientifique. En France cette méthode a été mise au point par l'école méthodique incarnée par Charles Seignobos, Charles-Victor Langlois et Gabriel Monod au XIXe siècle. Si elle évolue au fil du temps, la base de la méthode reste l'analyse des documents et des textes. Que je sache le fait de jouer un rôle dans une fiction n'a rien à voir avec être historien.

Des historiens en plein boulot dans Avengers si on suit la logique de Lorànt Deutsch


Alors on pourrait dire que je caricature. Mais non. L'auteur assume cette façon de traiter "l'Histoire". Lui même dit "Enfant, je puisais mon mon inspiration dans l'histoire de France pour faire vivre des aventures trépidantes à mes soldats de plomb. Aujourd'hui, rien n'a changé [...]". En définitive, il ne s'agit donc pas d'Histoire. Le point de vu n'est pas objectif, la technique d'analyse historique n'est pas connue. Lorànt Deutsch confond "Histoire" et "Mémoire". Alors en soi, ça ne pose pas de problème. En France on a le droit d'écrire sur ce thème. D'ailleurs c'est très à la mode. Patrick Modiano, auteur très apprécié de la République des Lettres n'écrit que sur ça. Le problème c'est que notre acteur moustachu croit faire de l'Histoire lui. Pas de bol ... La limite est ténue mais importante.

Reconstitution de la bataille de Brunanburh en Lego. Comme le livre de Lorànt Deutsch, c'est très cool mais c'est pas scientifique ...

Continuons notre avancée dans l'introduction. Abordons le coeur d'un ouvrage historique, sa problématique. De quoi traite vraiment le livre ?
"Mon livre veut-être, en quelque sorte, un instrument qui marque la mesure et rythme le temps. Je vous propose donc d'avancer siècle par siècle, grâce aux stations de métro pour chaque siècle, afin de mieux nommer et situer l'histoire ...."

Très bien. Alors là je vous laisse quelques minutes. Dans ces quelques lignes sont résumés tout les problèmes liés à cet ouvrage.
  • Premier problème : le choix "une station = un siècle". Les ressources dont nous disposons ne sont pas toutes les mêmes pour tout les siècles. Le XXe siècle est forcément plus dense en évènements à traiter que le Ier siècle. Mais bon. Admettons. On peut critiquer ce parti pris, mais il est assumé. Dès lors on sait à quoi s'attendre. L'auteur ne nous trompe pas et ne nous trahit pas et respecte son "contrat littéraire".
  • Deuxième problème : la volonté de "nommer et situer l'histoire". Attend attend. TU VIENS DE LE FAIRE !! Il y a deux secondes tu viens de dire que tu opter pour une périodisation par siècle. Alors déjà au niveau historique c'est pas génial en soit ... mais je vois pas comment une station de métro va permettre de "nommer" une période historique. Ca n'a pas de sens. 
  • Troisième problème : y a pas de problème ! Un livre d'Histoire se doit d'être une "enquête". Le mot lui-meme vient du grec historia qui signifie "enquête". Là, y a pas d'enquête. On se questionne pas pour savoir si Paris est important ou non, si elle a évolué au fil du temps ... Non, on est dans la description pure et dure
Il y a un quatrième problème beaucoup plus gênant. On la devine dès l'introduction car il n'en parle pas : les sources. Jamais une seule annotation ou allusion aux ouvrages utilisés pour écrire son livre. Du coup, cela décrédibilise totalement le livre. On est obligé de croire sur parole l'auteur. Et comme ma maman m'a appris à ne pas faire confiance aux inconnus, j'ai du mal à accorder du crédit à ce qu'on me raconte.

Lorànt arrête de vouloir faire tout rentrer dans le métro ! Après "ton Histoire", la voiture maintenant !


Le problème de Métronome tient au final dans cette contradiction. Lorànt Deutsch écrit un "roman historique" mais nous assure dans son introduction qu'il écrit un vrai "livre d'Histoire". Il s'agit plus d'une oeuvre de fiction qui s'appuie sur l'Histoire, qu'un livre d'Histoire qui s'appuie sur l'expérience de son auteur. Si dans son "pacte littéraire" on nous annonçait clairement à quoi nous avions à faire, il n'y aurait aucun problème. Et là on peut se demander clairement si la personne se trompe par méconnaissance ou si elle essaie de nous enfumer. Or quand on s'adonne à ce petit jeu en s'appuyant sur la discipline historique c'est généralement mauvais signe.

2 commentaires:

  1. Une erreur d'inattention ou une petite faute de frappe ? Juste pour vous le signaler, vous avez écrit : "le point de vue n'est pas objective" dans le §6.

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  2. Je voulais des exeeeeeemples :(

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