jeudi 14 janvier 2016

La Chine du XIXe siècle (1830-1927)




Le cours intitulé "la Chine et le monde depuis 1949" en terminale a un nouveau découpage qui ne permet pas forcément de saisir toute les subtilités de cette période. Je vous propose donc de combler ce manque à travers 2 billets dont voici le premier. En route .... de la soie !





L'enjeu en effet et de comprendre le déclin politique chinois et son rebond. Je ne vais pas forcément aborder les questions économiques, sociales et culturelles. Quand je parle de XIXe siècle ici, je parle du "Grand XIXe siècle", c'est-à-dire celui qui commence en 1815 et se termine en 1914. J'irai jusqu'au début de la 1ere guerre civile concernant la Chine. Une coupure forcément un peu artificielle qui s'explique plus par un souci de pédagogie que de cohérence historique.

Une carte pour se repérer

 

Les Mandchous et l'Occident

 

La 1ère guerre de l'opium (1839-1842)


La dynastie régnante en Chine au XIXe siècle se nomme la dynastie Qing (prononcer "T'sing"). Ces envahisseurs survenus d'au-delà de la Grande Muraille s'installent à Beijing (ou Pékin) en 1664 et installèrent cette nouvelle dynastie.
Gardant les traditions politiques de la dynastie précédentes et les infrastructures, les Mandchous continuent l'essor territoriale de l'empire du milieu d'Okinawa à l'Himalaya.

Fumer de l'opium : une activité productive intense
L'empire du milieu connait bien sûr des crises, mais la plus importante pour son évolution l'oppose au Britanniques à Guangzhou. En effet dans cette ville mieux connue par les Occidentaux sous le nom de "Canton" avait lieu le commerce du thé, de la soie et de l'opium ... La Compagnie des Indes traitait avec des commerçants locaux pour ensuite importer la marchandise. Mais en 1834 patatra. La Compagnie des Indes n'a plus le monopole du commerce. On libéralise les échanges (et oui, une phase de la mondialisation est en marche). Pour les échanger les Britanniques envoie un fonctionnaire qui ne veut pas traiter avec de simples commerçants chinois. Lui il veut parler avec un fonctionnaire impériale ! Un homme de l'empereur. Sauf qu'on est en Chine, et qu'en Chine c'est un sacrilège. Cela signifierait que diplomatiquement les Britanniques sont l'égal de la Chine, que la roi George IV serait l'égal du grand empereur mandchou Daoguang !  
Il y a ensuit eu un second problème. Les Britanniques importent beaucoup trop de thé depuis Canton. Pour rééquilibrer la balance commerciale, ils n'hésitent pas à vendre de l'opium. Beaucoup. Beaucoup trop aux yeux de Daoguang. Le nombre d'habitants de l'empire qui le consomme ne cesse de croitre. C'est un véritable fléau.
Donc c'est bon ! En 1839 Daoguang envoie un commissaire, Lin Zexu, pour mettre un terme à l'importation d'opium. On ferme le robinet ! Fini la poudre blanche magique vendu par les habitants de la perfide Albion. 

Irrité, les compagnies commerciales comme Jardin, Matheson and Co. avec le soutien de la Royal Navy décident d'assurer l'exportation par la force de leur production. Mais surtout pour montrer que les Britanniques étaient des interlocuteurs égaux aux Chinois En fait le commerce de l'opium est tellement florissant qu'ils arrivent à l'écouler par la contrebande. 
Quoiqu'il en soit en à peine 3 ans les côtes sont sécurisées et les Britanniques ont bien montré que c'était Georges IV le patron. En 1942 a lieu le traité de Nankin. Une date à retenir car c'est le début du déclin de la diplomatie de la Chine. Il fait partie de ce qu'on nomme les traités inégaux.


Traité de Nankin - 1942
1°) Extraterritorialité pour des espaces précis (les étrangers seront jugées par leur propres lois sur un territoire précis)
2°) Versement d’une indemnité de guerre
3°) Tarif douanier modéré, et autorisation aux fonctionnaires britanniques de s’adresser aux fonctionnaires Qing.
4°) Clause de la nation la plus favorisé (ça veut dire que l’empire britannique ici concernée paiera des taxes douanières moins importantes que les autres pays qui commerce avec la Chine). Les taxes sont abaissées à 5%
5°) Libéralisation du commerces dans 5 ports. 

Les Occidentaux se partageant la Chine

Vous l'aurez compris, le traité de Nankin, c'est la grosse humiliation pour la dynastie Qing. Ils sont obligés de traiter avec des égaux : les Occidentaux. Officieusement c'est pire, les Chinois sont en situation de faiblesse vis-à-vis des Britanniques. L'Etat est dépossédé de son autorité et de sa souveraineté. Les dynasties en Chine s'étaient succédé mais on n'avait jamais touché à la puissance de l'Etat centralisé. Une humiliation doublée d'un véritable danger social et politique !
Bhen les Britanniques l'ont fait. Sans vergogne. Business is business ! Cerise sur le gâteau (the cherry on the pudding) les Français obtiennent les mêmes avantages dès 1944.




La deuxième guerre de l'opium (1856-1860)


En 1856 les Occidentaux demandent plus. Ils veulent la légalisation totale de l'opium et le droit de converser directement avec Beijing et la cité interdite. L'empereur refuse évidemment. Les Occidentaux n'hésitent pas à avoir recours à la guerre pour arriver à leur fin. La Chine se trouve à devoir affronter plusieurs puissances occidentales. En 1860 un corps expéditionnaire franco-britannique rentre même dans la capitale.
Résultat tout ce que demande les Occidentaux leur sont accordés. Et c'est pas finis ! Les 5 ports deviennent carrément des colonies.

Ca devient difficile aux Chinois d'aller à la plage sans croiser des Occidentaux

 

La révolte de Taiping (1851-1864) et révoltes intérieures


Après 1850 le pays est emporté par une vague de révoltes. Un homme, Hong, déchaine la révolte des Taiping en 1851. Après avoir échoué pour la 4e fois aux examens (pour devenir fonctionnaire impérial, pas le Baccalauréat ...) décide de mener un militant évangéliste. Très vite son message prends auprès de tribus locales comme les Hakkas à l'ouest de Guangzhou. Il arrive à instaurer dans la région une théocratie en rupture avec les Qing : "Le Royaume Céleste de la Grande Paix". Les Qing et les partisans du roi Hong rentrèrent un conflit. 
Le mouvement prends pour plusieurs raisons. D'abord la doctrine protestante du mouvement permettait de rompre avec les fléaux sociaux de l'époque que la dynastie Qing ne parvenait pas à endiguer : l'opium, le jeu, la prostitution, la corruption le bandage des pieds ... La religion apparaissait alors comme un facteur de progrès social. Ensuite il permettait de souder et cimenter les ethnies, tribus si variés dans ce vaste empire. Malheureusement, l'absence de vision économique, et de cadre politique compétent affaiblissait le mouvement.
Mais la seconde guerre de l'opium et la présence du corps expéditionnaire franco-britannique à Pékin permirent au Qing de sauver leur dynastie. Les Occidentaux préfèrent traiter avec l'empereur Mandchoue que composer avec ces Taipings, un mouvement trop disparate et désorganisé pour établir un ordre politique suffisant pour lier des accords commerciaux stables. Cette guerre qu'on qualifie aussi de "1ere guerre civile" et d'autres révoltes épisodiques coûtèrent la vie à 20 millions de personnes.

Modernisation

 

Tatie Cixi, impératrice douairière
L'une des conséquences de ces révoltes est d'abord politique. L'empereur est alors Guangxu. Après 1861 ce sera sa tante, l'impératrice douairière Cixi qui dirige.
Puis suite à ces déconvenues, et sur l'exemple du Japon, la Chine tente sa "modernisation" à partir de 1864. L'armée est équipée d'armes modernes. Les écoles tentent d'inculquer un savoir occidental. De nombreux Chinois sont envoyés dans les écoles des pays occidentaux. 
Mais contrairement au Japon la Chine rate un aspect important de sa réforme : l'industrialisation. Celle-ci reste profondément à la traine. Plus des 2/3 du PNB proviennent de l'activité rurale. Quant aux trains à vapeur et aux navires, ils appartiennent à 90% et à 70% à des compagnies occidentales grâce aux traités inégaux. La démographie augmente et ainsi un bon nombre de Chinois sont sans emplois. Et la balance commerciale déficitaire n'est pas près de relancer la croissance économique du pays ...
L'impératrice Cixi qui se sent menacée par ces réformes n'hésitent pas y mettre fin allant jusqu'à condamné à mort 5 des conseillers de l'empereur Guangxu. Malade, il n'a pas la force de s'opposer et se voit cantonné au fond de son palais.

 

La Chute de l'empire Qing

 

La révolte des boxers (1900-1901)


Pour une large frange de la population chinoise tous les maux de leur pays viennent de l'étranger. Ce christianisme qui a fait se révolter des milliers de Chinois contre leur empereur, les traités inégaux ...
Une troupe de "Boxers" On sent les soldats hyper entrainés
Dans les campagnes de la Chine du Nord de nombreuses personnes rejoignent des prédicateurs taoïstes et pratiquant d'arts martiaux. On les nomme les "poings de justice et d'harmonie" (les boxers pour les occidentaux). Leur slogan est "Exterminons les étrangers et aidons les Mandchous". En 1900 ils marchent vers Tianjin et prennent possession de la plaine entre Pékin et Tianjin. Il détruisent chemin de fer et télégraphe. Des missionnaires étrangers, des chrétiens chinois sont mis à mort. 
L'impératrice Cixi pense pouvoir utiliser ce mouvement. En juin les boxers rentrent dans la capitale. Elle n'hésite plus. L'impératrice déclare la guerre aux puissances étrangères !
Sauf que ... la Chine du Sud ne s'est pas du tout soulevée, elle. Seul le Nord déclare donc la guerre aux étrangers.  
A Pékin la situation est tendue. 451 soldats sont en poste face à des boxers nombreux. Aucun soutien ne vient pour ces derniers. Le 14 août 16 000 hommes de 8 nations différentes (Anglais, Russes, Japonais, Autrichiens, Français, Américains, Allemands et Italiens) rentrent dans la ville. Elle et toute la région sont mis à sac. Pillage et prédation sont les mots d'ordres des Occidentaux.
Le traité de 1901 fixe une dette de guerre faramineuse et renforce la présence des militaires occidentaux dans la capitale. Plus que jamais dans la culture chinoise les occidentaux apparaissent comme des barbares et une menace.

Une armée et une administration nouvelle


Les Boxers ont témoigné d'un grave problème. Cixi a voulu s'appuyer sur un mouvement populaire. Mais l'armée s'est pour beaucoup désolidarisée préférant se placer sous la tutelle des gouverneurs. Après la crise l'Empire continue de former des divisions et des généraux par les Allemands (exactement comme les Japonais depuis 1870). L'armée du Nord notamment comporte de nombreux chefs de guerre. La société est de plus en plus militarisée dans les campagnes. On forme des milices. Pourquoi ? Pour éviter de nouvelles révoltes. Pour maintenir une discipline au niveau personnel.
Du côté de l'appareil étatique des réformes sont aussi menée. Mais Cixi et son neveu d'empereur Guangzhou meurent. En 1908 c'est donc Puyi qui devient empereur de la dynastie Qing. La question se pose alors de savoir si le régime devrait se libéraliser et devenir constitutionnelle. En effet a des échelles provinciales et locale les différentes assemblées, sentant le pouvoir de l'Etat central décroitre, revendique plus de pouvoir. Bercé par les idées occidentales (christianisme, anarchisme, marxisme, exemples des révolutions atlantiques avec la France en particulier ...) les notables défendent ces idées.

La fin des Qing


En 1911 l'Etat décide de nationaliser les chemins de fer qui appartiennent à 90% à des occidentaux. Mais pour pouvoir acheter ces lignes il lui faut de l'argent que l'Etat n'a pas. Elle décide donc d'emprunter ... à des banques étrangères. 
Manque de chance la province de Sichuan avait investit dans le développement de son propre chemin de fer. 100% sans chinoise ! La nouvelle de cette nationalisation met le feu au poudre. La région rentre en sécession ! 
De plus en plus de notables et de mouvements opposés à l'empire se tournent vers les provinces. Une à une elles s'émancipent et prennent leur indépendances. Les puissances étrangères ne font rien pour soutenir la dynastie Mandchoue. Une République provisoire est déclarée le 1er janvier 1912 à Nankin. Puyi, l'enfant empereur devient un mythe, celui du dernier empereur de Chine (je ferai probablement un billet sur son parcours unique). C'est Yuan Shikai qui a la lourde tâche de consolider la jeune République chinoise.


Yuan Shikai lors de sa prise de pouvoir comme président

Les débuts de la République


La République de Yuan Shikai 


Un constitution est adoptée en 1912. Les institutions ressemblent à celle de la République des Etats-Unis mais seuls 6% de la population possède le droit de vote. Deux partis politiques émergent : le parti progressiste, et le parti national (Guomindang ou Kuomintang selon la traduction).
Le nouveau régime peine à trouver de l'argent pour financer ses nombreux fonctionnaires et militaires. Il se retrouvent ainsi obligé d'emprunter aux banques occidentales.
Ce régime n'est finalement soutenu que par les bourgeois. De nombreuses émeutes émaillent les années 1913 et 1914. Pour rétablir l'autorité de l'état Yuan Shikai souhaite une "révolution" qui ressemble plus à une restauration de l'Empire. Des provinces et des militaires se révoltent. Mais le 6 juin 19916, Yuan Shikai décède.

Les "Seigneurs de la guerre" (dujua)


Roman Du XVIe siècle dans lequel 108 brigands sauvent l'empire
Cette déliquescence du pouvoir permet à des seigneurs de guerre d'apparaitre. Mais qu'est qu'un "seigneur de la guerre" ? Il s'agit d'un homme possédant une armée de taille variable qui lui permet de contrôler et d'exploiter à sa guise un territoire. S'il la perd il peut aussi en conquérir une autre. En Chine ce sont de nombreux paysans et pauvres qui vont venir grossir les rangs de ces armées. Entre 1916 et 1928 on passe de 500 000 soldats à 2 000 000. Il faut ajouter à ce chiffre les milices locales. On compte ainsi entre 1911 et 1928 130 guerres en Chine opposant ces myriades de factions.
De plus jusque dans les années 30 le nombre de brigands ne cesse d'augmenter. Le "brigand" figure imaginaire en Chine comme témoigne le roman "Au Bord de l'eau" revêt une image romantique de justicier. C'est 10% de la populations masculine qui s'adonne ainsi à la rapine, à la prise d'otage et à tout acte prédateur.
Les puissances occidentales soutiennent tel ou tel chef de guerre selon les avantages qu'ils peuvent en retirer. La Mongolie tombe ainsi dans l'escarcelle soviétique. Le Tibet retrouve son autonomie. L'opium n'a jamais été autant produit.  L'Etat est en faillite. L'"empire du milieu" cède face à la "terre de la famine".

La monté d'une nouvelle forme de nationalisme


La 1ère Guerre mondiale change la donne internationale. Les Occidentaux desserrent leur emprise et en 1917 la Chine décide de lancer ses forces dans le conflit. Seuls le Japon et les Etats-Unis maintiennent leur influence dans la zone. En 1919 au congrès de Paris la Chine se trouve dans les rangs des vainqueurs. Elle réclame la restitution du Shandong qui était passé sous contrôle allemand. Le traité de Versailles transfère le Shandong ... aux Japonais ! En effet l'Etat chinois était d'accord pour céder aux Japonais l'ancienne concession allemand contre un prêt important.


Manifestation en mai 1919
 C'en est trop pour les étudiants chinois qui décident de manifester le dimanche 4 mai 1919 en criant "il faut sauver le pays".  La grève s'étend de Pékin à Shanghai. Les lettrés rejettent le confucianisme et prône un nationalisme moderne non-xénophobe (à l'inverse des révoltes précédentes).  Ils incarnent une volonté farouche de modernisation et de progrès, quitte à abattre tout héritage purement chinois comme le confucianisme. Les idées occidentales s'enracinent de plus en plus et donnent naissance à des courants politiques connus des Européens que nous sommes.

En 1920 le parti nationaliste du Guomindang est reformé à Canton par Sun Yat-Sen. Ce parti est nationaliste. Il définit un Etat-Nation chinois qui moderniserait les transports. Il prône une dictature et un Etat fort pour parvenir à atteindre ces objectifs. Washington est prêt à lui accorder son soutien et le financer.
A l'opposé, le mouvement de 1919 porte un autre courant réformiste : le communisme. Le parti communiste chinois est ainsi officiellement fondé en 1921 à Shanghai par seulement une cinquantaine de membres. Plus que la lutte des classes, c'est l'idée d'une dictature ou le parti serait le "Dieu" suprême qui interpelle les fondateurs du PCC comme Mao Zedong, Zhou Enlai ou Chen Duxiu.

Avant l'implosion


Sun Yat-Sen et son ses moustaches
Mais la Chine reste encore et toujours agité par les seigneurs de guerre. Depuis son accession au pouvoir en 1912 Sun Yat Sen n'a toujours pas réussi l'unité dont il rêve. En 1923 il établit un alliance de convenance avec le PCC et le Komintern en URSS. Il peut ainsi compter sur l'aide soviétique. A l'inverse, le PCC espère bien renverser de l'intérieur le Kuomintang à la tête de la République. Naissant, il espère gagner du temps pour étendre son influence sur le prolétariat.

Sun Yat-Sen meurt en 1925 laissant le Kuomintang, le PCC et les seigneurs de guerre face à face.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire