En 2011 Hbo réalise le rêve de nombreux geek en adaptant l'oeuvre de G.R.R Martin à la télévision : A song of Ice and Fire. Une épopée littéraire qui comprend alors 4 ouvrages : A Game Of Thrones, A Clash of King, A Storm of Sword et A Feast for Crows. La chaine à péage lance la série à succès qu'elle recherchait tant depuis la fin de Rome en 2007. Elle intitule A Game of Thrones. Oui ils ont repris le titre uniquement du premier tome histoire de coller à cette règle d'or du marketing "pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?". A noter qu'en France on a traduit ça par Le Trône de Fer. Histoire d'être sûr de paumer tout le monde.
Quoiqu'il en soit, voila la famille Stark, Baratheon et Lannister projetés sur les petits écrans américains. Le succès est immédiat ! La critique l'encense. L'oeuvre est très riche, c'est pourquoi je m'intéresserai à un seul aspect de la série qui à la fois en fait sa spécificité et la rend si réaliste : le rôle de la mémoire.
Lançons le générique de ce nouvel épisode !
La légende raconte que ce serait un fan de Lego qui aurait fait le générique
Un monde compliqué (épisodes 1 à 5)
Parlons d'abord des sources d'inspiration de l'auteur. G.R.R. Martin (qui semble être la synthèse d'un père noël et d'un pécheur irlandais). Le barbu est un passionné d'histoire et de roman historique. L'un de ses livres préférés est d'ailleurs un roman historique français, Les Rois Maudits de Maurice Druon. Le monsieur à bon goût. On retrouve dans A Song of Ice and Fire (ou Game Of Thrones ... ou Le Trône de Fer) ces influences. Ce goût pour le complot politique, et l'importance du contexte social, économique ...
Je vous présente G.R.R. Martin. Son oeil malicieux trahit ses futures entourloupes.
Quand on commence la série on est plongé dans un univers inconnu : Westeros. De nombreux personnages, règles et lieux sont à assimiler. Si le début est rude, on se rend vite compte qu'on est pas dans un univers qui brille par son originalité. Il s'agit d'un monde médiéval tel qu'on se le représente communément. Des châteaux, des chevaliers, des rois, des princesses, de l'honneur ... On est pas vraiment surpris. Quelques éléments atypiques viennent s'insérer (des morts-vivants dès la première scène ...) Mais Westeros ressemble à l'Angleterre, le Mur du Nord fait penser au mur d'Hadrien, les Dothrakis ont quelques chose des Huns ... Martin s'inspire de divers éléments historiques qu'il récupère et traite à sa façon.
La série cherche à simplifier au maximum le nombre de personnages pour rendre la série compréhensible (et c'est plutôt un bon point pour elle). A tel point d'ailleurs que le site HBO diffuse régulièrement des infographies sur son site internet pour faciliter le visionnage de la série.
On devrait pas s'ennuyer avec tout ce beau monde...
Les premiers épisodes prennent donc le temps de mettre en place le décor. D'expliquer qui est qui. Quel est le rôle de chaque famille et quelle est son histoire. Le coup de maître est d'avoir dès la fin du premier épisode de mis en place un événement qui fixe un enjeu dramatique (secondaire en fait dans l'histoire) mais qui retient l'intérêt du spectateur. On y découvre aussi un grand nombre de lieux : Winterfell, le Mur, Vaes Dothrak, Port-Réal, les Eyriés ... Bref on plante le décor. Le générique est d'ailleurs là pour rappeler les lieux qui seront visités pour que le spectateur ne se perde pas. Mais, on ne nous présente pas tout !On prend aussi soin de cacher un grand nombre de lieux et de faits ...
L'autre élément sur lequel la série s'attarde est ce qui s'est passé avant. En fait deux histoires nous sont racontées. Celle qui a permis au roi Robert d'arriver au pouvoir et l'histoire même de son royaume. On comprend que la disparition de la dynastie précédente possède encore un poids non négligeable.
Tu te souviens Ned quand on courait la gueuse, qu'on pouvait tuer qui on voulait ! Quelle chouette époque !
En effet un des éléments fondamentaux qui sous-tend la série et lui donne son réalisme, c'est la mémoire. De nombreux mystères hérités du passé peuvent exploser dans le présent ! Le mariage de Robert est ainsi un désastre à cause du souvenir de Lyanna, la soeur de Ned qui aurait été violée par l'ancien Prince Raeghar Targaryen. Jon Snow qui ignore qui est sa mère et qui est détestée par Catelyn Stark à cause du souvenir cuisant qu'elle en garde (oui le personnage de Jon Snow fait partie de ceux que la vie met toujours dans des situations pas possibles). Jaime Lannister dit le Régicide qui fait flipper tout le monde et passe pour un sanguinaire car il a tué le roi qu'il devait protéger Aerys Le Fou (avec un surnom comme ça en même temps on pouvait imaginer qu'il finirait mal).
On pourrait multiplier encore les exemples. L'important c'est voir que c'est véritablement la mémoire qu'on a des événements qui pèsent dans le monde du Trône de Fer (ou de Game of Throne ... enfin bon vous savez). Le fait qu'on doute de l'existence des Marcheurs Blancs est dramatique pour le Royaume et la Garde de Nuit puisqu'elle la met dans une situation de fragilité que ce soit sur le Mur ou à l'intérieur de Westeros.
Pouvoir et mémoire (épisode 5 à 9)
Martin dans son oeuvre s'intéresse principalement à la nature du pouvoir. Or comme on l'a vu précédemment, celui qui possède le pouvoir peut façonner la mémoire. Ainsi la plupart des personnages de la saison 1 cherche à exhumer différentes "mémoires" et vérités. Ned Stark traque le meurtrier de l'ancienne Main (et en fait se met à chercher .... ce que cherchait la Main elle-même !). Tyrion perfectionne le guide du routard et le dictionnaire des vieilles légendes de Westeros. Jon fuit la sienne. Daenerys tente d'être la Reine qu'on a cessé de lui dire qu'elle devrait être ... Bref, tout les personnages tentent de faire évoluer cette mémoire. Elle est en effet enjeu de pouvoir.
Et c'est là qu'intervient celui qui justement se contrefiche de toutes ces questions. Pour lui, c'est un truc de faible. Si vous avez lu ces lignes jusqu'à maintenant vous savez de qui je parle ! Le Roi Joeffrey Baratheon !
Je viens d'inventer une toute nouvelle philosophie politique : le crétinisme
Ses décisions qui ne reposent sur rien plongent Westeros dans la guerre. Ses agissement finissent par supplanter dans une certaines mesure les éléments mémoriaux précédents. Ainsi les ennemis d'hier peuvent devenir les amis d'aujourd'hui. Les intérêts politiques obligent à composer avec une nouvelle mémoire.
Un monde qui bascule ? (8 à 10)
Au final, Westeros bascule complètement. On ne peut le comprendre qu'en ayant assimilé le contexte et ces fameux enjeux mémoriaux. Le chambardement que représente l'épisode 9 permet de laisser dans l'ombre certains éléments de la guerre précédente. De nombreux personnages, on le devine, chercheront à profiter du nouvel ordre qui se met en place.
Le meilleur exemple de ce que j'avance est la scène de massacre des bâtards présumés de Robert. Ces meurtres marquent la volonté de faire sombrer dans l'oublie le règne précédent. Sauf que les Lannister ne parviennent pas à éradiquer totalement les preuves. Et l'on devine que cette mémoire peut ressurgir à tout moment en la personne de Gendry si il est instrumentalisé par les bonnes personnes.
C'est l'une des autres astuces de la série ! Les personnages les plus anodins peuvent devenir des éléments subversifs ou importants dans les stratégies des différentes maisons.
Robb Stark : Maman, tu crois que Lord Frey se souvient qu'on peut pas le piffer et qu'on a pas répondu à ses textos depuis 40 ans ?
Catelyn Stark : Tu penses bien qu'on lui aurait répondu si on avait deviné qu'être bien avec un douanier sur un pont pouvait être important !
La saison 1 n'est donc en fait qu'une longue introduction. Les derniers évènements donnent naissance à une guerre où plusieurs "temps" se mêlent. Mestre Pycelle rappelle qu'au final le pouvoir reste le pouvoir. Que la situation qu'il vit n'est toujours que l'héritage d'une précédente. Et que chaque période est marquée par la volonté des puissants de rester puissant et des autres de s'élever.
Les enjeux et le décor sont plantés. Après ce long descriptif il ne reste plus qu'à se concentrer sur ce qui véritablement taraude Martin dans A Song of Ice and Fire : la nature du pouvoir.